Transcript de LeMatinDimanche du 10 novembre 2013
Le ministre Johann Schneider-Ammann mise sur une agriculture suisse forte et durable, mais aussi ouverte sur l’étranger
Lise Bailat Berne
Difficile exercice (l'équilibrisme pour le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann. En marge de la présentation du rapport agricole 2013, hier, à Zollikofen (BE), il a voulu se montrer rassurant sur l'évolution actuelle du monde paysan. «Les conditions-cadres fixées dans la politique agricole 2014-2017 sont claires et bonnes. Elles forment les bases d’une agriculture productrice qui prend soin des ressources naturelles.» Sitôt les deux mots-clés du moment dits - production et écologie - le ministre s’est alors penché sur l’avenir en d’autres termes: «L'agriculture suisse devra devenir plus compétitive. Elle doit avoir accès aux grands marchés. C’est une chance pour nous.»
Un exemple? Le conseiller fédéral cite l’accord de libre-échange conclu avec la Chine «La qualité suisse, au prix du marché mondial, ce n’est pas possible. Mais je suis persuadé que la qualité suisse à des prix forts est très demandée. Je prends l'exemple du yoghourt: à Hongkong, la classe supérieure se développe et le yoghourt peut y être vendu à des prix premium Cela crée de la valeur ajoutée qui aura un effet positif ici.»
«Du pipeau»
L’agriculture suisse peut-elle concilier productions durables et ouverture des marchés? Le viticulteur genevois Willy Cretegny n’y croit pas une seconde. «C’est du pipeau! C’est promettre du vent aux agriculteurs tout en mettant en danger notre agriculture.» Fer de lance des opposants au libre-échange agricole, il est en train de chercher des appuis pour combattre l’accord avec la Chine lors de son passage au Parlement et d’autres accords à venir, «En matière d’agriculture, et d'environnent, si l'on veut s'inscrire dans la durabilité, on doit réguler. Soumettre notre pays à la concurrente internationale et une aberration», martèle le viticulteur de Satigny.
L’exemple du yoghourt à Hongkong passe aussi plutôt mal auprès du conseiller national Jean-Pierre Grin (UDC/VD). «Nous disons oui à l'ouverture de marchés si nous pouvons produire de la valeur ajoutée comme c'est le cas avec nos fromages. Mais pour d’autres secteurs - le lait, les yoghourts - une ouverture des marchés signifierait la fin!»
Le message délivré par Johann Schneider-Ammann s’inscrit ainsi à contre-courant de plusieurs initiatives populaires en préparation, qui réclament notamment un renforcement de l’approvisionnement du pays en denrées indignes et de qualité. Le conseiller fédéral ne le cache pas. «Je suis très sceptique envers ces initiatives. On ne devrait pas figer notre agriculture alors que l’environnement mondial est en mouvement.»
A contre-courant
Un argument que peine a comprendre le directeur de l'Union suisse des paysans (USP), Jacques Bourgeois. «On aimerait fixer des jalons pour les futures politiques agricoles, mais on ne ferme pas de porte.» Pour le Fribourgeois, l'initiative de l'USP est d'ailleurs compatible une ouverture du marche pour des produits de niche. «L’accord de libre-échange avec la Chine a montré qu’on peut tout à fait conclure un accord profitable à l'économie et avec lequel l’agriculture peut vivre.»
Ouvrir tout en protégeant, c'est la stratégie? «Bien sûr, Johann schneider-Amman doit faire l'équilibre entre l'industrie d'exportation et de la production agricole», résume Jean-Pierre Grin (UDC/VD). «Mais au bout d'un moment, il faudra bien qu'il tranche», estime l'agrarien.
[encadrée]
Paysan, un métier plus pénible
Les agriculteurs voient plus d’avantages que d’inconvénients dans leur métier mais sont moins satisfaits de leur vie que le reste de la population, selon un sondage publié hier dans le cadre du rapport agricole 2013. Cette enquête est menée tous les quatre ans par l'institut gfs zürich sur madat de l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG). Parmi les points de satisfaction, les agriculteurs citent avant tout l'indépendance, le travail dans la nature et le contact avec les animaux. En revanche, le nombre important de prescriptions et les fréquents changements des conditions-cadres, tout comme e manque de loirsirs et la faiblesse des revenus sont souvent cités comme points négatifs. En 2012, les exploitations ont affiché en moyenne un revenu agricole de tout juste 56 000 francs, soit 4% de moins que la moyenne des trois années précédentes. «A formation équivalente, le salaire des agriculteurs est toujours 40% inférieur», se désole Jacques Bourgeois, directeur de l’Union suisse des paysans, qui revendique des prix du marché qui permettent aux familles de vivre et d'investir. Autre tendance 2013:«La pénibilité du rnetier augmente .à nouveau», a relevé le directeur de l'OFAG, Bernard Lehmann. Si la mécanisation de travaux décharge bien les aqriculteurs de certains travaux pénibles, en parallèle, la croissance des exploitations a fait augmenter le volume de travail, relève le rapport agricole 2013. Il ne faut pas s'attendre à une diminution générale de la péniblité du travail dans l'agriculture, conclut l'OFAC. L.BT
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