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Davos - les sons des "leaders" au Forum Mondial Économique
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Il est impossible de tout lire.
Alors, nous sommes heureux avoir trouvé un résumé qui nous semble assez intelligent.
[en travail]
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[en travail] Le matin dimanche 30.01.2011 Page 22
Je suis comme tout le monde: globalisée
J'ai pris conscience du phénomène vers 16-17 ans. Assise dans mon fau¬teuil de la cinémathèque, je discutais avec mes camarades de gymnase en attendant le début du film, dont nous ne savions pas grand-chose. Avec toute la délicatesse due à cet âge, j'ai cru bon d'y aller de mon commen¬taire: «J'espère qu'il ne sera pas aussi ennuyeux que le Godard que j'ai vu la semaine passée.»
Là, j'ai réalisé que mon voisin de droite était... Jean-Luc Godard soi¬même. Ça m'a appris deux trois cho¬ses sur les occasions de se taire qu'on laisse trop souvent passer. Et aussi que le monde est petit.
Au WEF, qui est à la globalisation ce que Saint-Pierre est à l'église catholique, on ne cesse de nous le répéter: le monde rétrécit (on dit qu'il est «flat», pour faire savoir qu'à Davos, on y était). Même Medvedev s'est fendu de son couplet physico-philosophique en relevant que désormais, avec Internet, le temps et l'espace sont abolis.
Le monde est encore plus petit
Eh! bien j'ai eu la preuve définitive de ma modernité dans un "autre siège, celui du bus navette qui nous véhicule du Centre de Congrès à nos hôtels.
Enfin moi, je loge dans le sous-sol d'un chalet, mais ceci est une autre histoire. Dans ces vans, on discute beaucoup (lire la chronique d'hier dans «Le Matin»). J'ai donc pris langue avec mes voisins de transport, un couple de jeunes Indiens. Après exactement 3 minutes 30 de conversation, nous nous sommes découvert une relation commune. Leur ami Anand Shroff est un ophtalmologue réputé de Mumbai. C'est lui qui a corrigé ma myopie au laser en 2006, dans sa clinique du quartier des affaires de Bandra. Je me suis retrouvée d'un seul coup dans le fauteuil de la cinémathèque. Sauf que cette fois le monde est
encore beaucoup plus petit.
Un Indien m'a ouvert les yeux
L'autre aspect effrayant de l'anecdote, c'est que le Forum de Davos a raison sur un deuxième point. Le mantra de cette 41e édition? Le monde ne se contente pas de rétrécir, en plus il bouge, avec une nette bascule vers l'Est et le Sud. Avec toute cette activité qu'il déploie, le monde, on comprend qu'il faille des centaines de brainstormings et autres panels de discussion pour comprendre où il va.
Reste qu'il y a dix ans, je ne serai jamais allée confier la prunelle de mes yeux à un ophtalmologue de Mumbai
- qui faisait alors confiance à la technologie et à la médecine de ce pays? Il y a dix ans, les Indiens n'étaient d'ailleurs pas si nombreux dans les bus navettes du Forum de Davos. Alors que là, on sent bien que les pays émergents prennent l'ascendant sur les pays émergés: les Caucasiens sont une claire minorité, dans le van du WEF. Mais bon, en même temps, je le savais déjà avant de venir à Davos, que j'étais complètement en harmonie avec le monde. C'est un Indien qui m'a ouvert les yeux, après tout.
Les leaders mondiaux en ont fini avec l'arrogance
TENDANCE Les grands patrons ont affiché cette année à Davos un profil humble
et des préoccupations sociales et écologiques.
Vrai changement
ou opération de séduction?
Sonia Arnal,
Davos
sonia. arnal@edipresse.com
«Ma seule responsabilité, en termes de développement durable, c'estd'assurer à mes actionnaires que la valeur de leurs parts va durablement augmenter.» Interrogé il y a quelques années sur la façon dont il entendait mettre en œuvre un développement durable de son business, ce CEO de multinationale avait répondu très franchement: un maximum de profits en un minimum de temps -le reste, pas mon problème.
Ce ton, c'est celui du triomphalisme et de l'ultralibéralisme d'autrefois. Cette année, à Davos, les dirigeants des compagnies globalisées, de PepsiCo à Nestlé, ont adopté un profil beaucoup plus humble, allant jusqu'à faire leur mea culpa pour leur attitude passée: «Nous sommes passés d'une ambition positive à la cupidité, et de la confiance à l'arrogance», il ainsi admis, en parlant au nom de l'économie en général,
,Paul Bulcke, CEO de Nestlé. ~?
Crise de confiance des citoyens
Parmi les leaders les plus convaincus de la nécessité de changer d'attitude, Jim Balsillie (RMI, solt BlackBerry).ll a appelé de ses vœux une nouvelle révolution de la théorie économique,
«comme celle de Keynes au moment de la Grande Récession: nous vivons une crise de la confiance des citoyens d'une ampleur comparable». Pour le Canadien, il s'agit «d'intégrer la question du bien public dans tous les concepts de base en économie, pas seulement de signer un chèque en fin d'année pour aider une organisation de la société civile».
Renforcer les libertés et les droits individuels, créer une croissance «inclusive» qui ne se fasse pa~ au profit des uns par le dépouillement des autres, protéger l'environnement: autant d'objectifs qui ont fait l'unanimité cette semairie. On avait le sentiment d'être à un forum d'Amnesty ou de Greenpeace, face non pas à des requins de la finance, mais à des travailleurs sociaux.
D'ailleurs les patrons présents ont insisté sur le fait que leurs bonnes intentions sont déjà une réalité: le changement est en marche, et il est ambitieux. La preuve avec PepsiCo. Arrivée
àla tête de l'entreprise en 2007, Indra Nooyi a commencé par donner dans la philosophie. «Qu'est-ce qui fait l'essence même d'une compagnie à responsabilité limitée?» s'est-elle demandé. Par définition, c'est une compagnie qui a des responsabilités à
'l'égard de la société, s'est-elle répondu. Du coup, le credo de la société, c'est «performance with a purpose» (de la performance, mais pourvue d'un but): «Chaque décision que nous prenons doit avoir un sens, etce sens, c'est d'être utile au bien-être de la so
ciété civile.» 1
Le nouveau trend, ça n'est donc plus de frimer avec son bilan, c'est d'intro- 1
duire le développement durable dans le core business. Donner dans la respon sabilité sociale de l'entreprise (RSE) et publier annuellement son petit rapport, où l'on explique que l'on est passéau papier recyclé, qu'on a engagé trois
femmes et organisé un nettoyage des rives, c'est ringard. «Signer un chèque à la fin de l'année, d'autres actions vertueuses, on en a tous fait, commente Jim Balsillie. Ça n'a pas franchement changé la face du monde.»
Vases conununicants
Michael Porter, célébrissiine professeur de stratégie à l'Université de Harvard, a publié un article remarqué sur la RSE. A Davos, il a expliqué qUE! «les labels de commerce équitable par exempIe, ça n'a aucun sens, c'est juste la ver
sion moderne et bien-pensante de la charité.» Pourquoi? Parce que ça ne crée aucune valeur: le paysan reçoit un peu plus d'argent pour son café, c'est tout ça que la multinationale ne se met pas dans la poche, certes, mais au final ce n'est qu'un vase communicant: quand je mets à droite, j'enlève à gauche. «Pourquoi le paysan ne gagne-t-il pas bien sa vie? Parce qu'il n'est pas assez productif ou que son produit n'est pas assez bon. Quand Nestlé ou PepsiCo aident un producteur à améliorer son rendement, sa consommation d'eau, son empreinte écologique, la qualité de ses cultures, là c'est du win-win-win: de la valeur est créée, les deux acteurs se la partagent, et le consommateur se nourrit plus sainement.»
« Chaque décision
que nous prenons doit être utile
au bien-être
de la société civile»
INDRA NOOYl, PATRONNE DE PEPSICO
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Tout va donc pour le mieux dans le monde merveilleux des multinationales, qui nous préparent un avenir radieux. Vraiment? Les sceptiques sont nombreux, qui soulignent que ce changement de ton n'est qu'une parade: les maîtres du monde adopteraient le discours que les consommateurs et les citoyens ont envie d'entendre, encore plus depuis la crise, pour mieux les séduire. Ce que les Anglo-Saxons appellent du greenwashing, ou comment repeindre en vert écolo ses noirs desseins.
C'est sûr en tout cas qu'avec son discours (pouvoir aux femmes, pas de planète B donc il faut sauver la seule que nous avons, responsabilité à l'égard des employés, de la société et de tous ceux que la croissance laisse sur le côté de la route), le WEF a coupé l'herbe sous le pied des activistes. En effet, qu'est-ce qu'une ONG pourrait bien demander de plus? La seule espèce non protégée à Davos désormais, c'est l'ultralibéral.
On peut douter de la pureté des intentions des CEO si on y tient vraiment, mais peu importe: les multinationales vont changer deux trois choses parce qu'elles ont un intérêt économique à le faire. Un pauvre reste un citoyen. Qui vote, par exemple très à gauche (pas bon pour le business), ou pire, qui manifeste et finit par renverser le régime en place la Tunisie et l'Egypte ont frappé les esprits ici. Et en plus, ça n'est pas un consommateur. Embarquer les plus pauvres dans la croissance, c'est rentable pour les entreprises actives dans la consommation de masse, à terme - il suffit de voir saliver les patrons devant la taille de la classe moyenne qui se prépare en Inde et en Chine. Les CEO ont fait leur catéchisme et ils le savent: charité bien ordonnée commence par soi-même.
www.lematin.ch/wef voir notre dossier Davos
[en travail] Le matin dimanche 30.01.2011 Page 23
Les quatre enjeux de l'économie en 2011
ANALYSES 2010 a défié
les prédictions, avec
une croissance réjouissante de 5%, l'avenir s'annonce moins radieux. Les spécialistes .
et leaders économiques présents au WEF ont identifié les points critiques pour modeler îe futur de l'économie mondiale
vers plus de croissance ou plus d'instabilité...
Une bascule vers l'Est (Chine et Inde bien sûr, mais aussi Vietnam, Indonésie), et vers le Sud (Brésil et Afrique du Sud, Argentine...): l'économie mondiale n'est pas, durant la crise, restée figée. Les pays développés ont fait du surplace tandis que de nombreux pays émergents en sont sortis renforcés. Cette bascule de la croissance et du pouvoir économique est à l'origine de plusieurs des défis que doit relever l'économie mondiale dans les onze mois à venir.
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LE MATCH CHINE - USA ET LE SYSTEME MONÉTAIRE
Nouriel Roubini (encore lui) l'a dit sans détour: «10% de croissance en Chine et 100/0 de chômage aux Etats-Unis c'est un déséquilibre qui risque de créer de l'inflation, une guerre des devises et un protectionnisme renforcé.» Les Etats - Unis persistent à vivre au -dessus de leurs moyens et sont très endettés. La_Chine, elle, n'a qu'un credo: exporter, exporter et exporter. Pour ce faire, elle doit garder une devise aussi faible que, possible, et
empêche donc sa monnaie de s'apprécier - elle est clairement dévaluée. Le risque est donc grand, si elle n'arrête pas d'acheter massivement des dollars, de voir l'inflation dévaster le pays. «Ce serait en effet plus raisonnable de laisser la devise s'apprécier, du moins à long terme», a confirmé Yu Yongding, professeur d'économie internationale à l'académie chinoise des sciences sociales. Mais à court terme, la Chine n'a pas l'intention de laisser les pays développés lui dicter sa conduite. La guerre des devises risque bien d'avoir lieu - Nicolas Sarkozy, président du G20 pour l'année à venir se propose d'ailleurs. de poser les jalons d'un nouveau système monétaire international. «Mais je suis calme, je ne pense pas aboutir en une année», a - t - illucidement relevé.
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LE PROTECTIONNISME
L'autre risque, dans ces périodes d'endettement massifdes Etats, c'est qu'ils ferment leurs frontières dans l'illusion qu'ainsi ils favoriseront leur économie domestique. Le problème se pose de façon aiguë entre les pays émergent,s et les pays développés: la Chine, par exemple, protège son marché intérieur, où une classe moyenne importante s'est développée et se développe encore grâce au succès du pays. Les USA et l'Europe aimeraient bien y accéder - mais ils ne voient par contre pas d'un très bon œil les chinois ou les Indiens investir massivement dans, voire racheter, les fleurons de leur industrie. Le mantra à Davos, cette année, ce fut donc: «Il faut conclure le Cycle de Doha» - du secrétaire général de l'ONU, Ban Kimoon, au ministre de l'Economie Chen Deming, en passant par Nicolas Sarkozy, Bill Clinton et bien sûr Pascal Lamy, directeur-général de l'OMC, tout le monde veut promouvoir la liberté de commerce et combattre le protectionnisme. Vingtquatre pays réunis sous la houlette de la Suisse ont d'ailleurs signé hier. une feuille de route «pour ne pas rater la fenêtre politique que représente 2011».
C'est dire si le risque de le voir se propager est grand, y compris entre partenaires: «Même au sein de l'Europe' la liberté de commerce est freinée par des centaines de démarches adnÎinistratives et de normes/Nous avons d'excellents produits, n'ayons pas peur, ouvrons toutes .les frontiè.res et allons les vendre partout» a ainsi plaidé David Cameron.
3 L'EUROPE
Angela Merkel, David Cameron, Nicolas Sarkozy: les trois
chefs d'Etats se sont fendus, lors de leurs discours sur la scène principale
du Forum, le Congress Hall, d'un plaidoyer en faveur de l'Europe. Certes, le faire devant 1400 chefs d'Etats et des centaines de journaliste était up.e occasion à ne pas manquer pour rassurer les investisseurs, mais tant d'unanimité inquiéterait presque.
Et les spécialistes le sont, inquiets, du moins en partie. L'Europe, c'est des budgets en déficit, une dette publique trop élevée, peu de croissance, et pas beaucoup d'idées pour yremédier, du chômage, surtout chez les jeunes, et peu de créations d'entre
prises. «Nous avons une claire crise' d'endettement, mais pas de devise en tant que telle», a ainsi nuancé la chancelière allemande, qui a refusé de s'en prendre aux spéculateurs, estimant que les investisseurs «n'ont pas encore retrouvé la confiance, mais cette défiance prend racine dans un état de fait réel», et que le marché joue donc son rôle.
Les trois politiciens ont tenté d'esquisser des pistes pour l'avenir «innovation» et «éducation» faisant clairement recette dans ce contexte, sans doute grâce au flou qu'ils autorisent - David Cameron se montrant un peu plus concret et convaincant. Les leaders sur place semblaient plus convaincus par les décisions concrètes prises ses derniers temps, en Grèce, ou les projets tels que celui de l'Espagne, qui se propose d'élever l'âge de la retraite à 67 ans. Commentaire de Nouriel Roubini: «Les citoyens n'en peuvent plus, ils ne voient pas la fin du tunnel.»
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LE PRIX DES MATIÈRES PREMIÈRES
Réguler le prix des matières premières, notamment agricoles, c'est l'un des nombreux objectifs que Nicolas Sarkozy s'est fixé pour son mandat durant le G20. Si l'idée de réglementer ne trouve pas forcément grâce auprès de tous les dirigeants présepts au WEF, il y a en tout cas un consensus sur les problèmes que la volatilité de leur prix pose. Aux plus pauvres, qui risquent de ne plus pouvoir se nourrir. A l'économie, qui pâtira de l'instabilité des Etats en cas d'émeutes de la faim -l'exemple de la Tunisie a fait ici une petite piqûre de rappel. Et qui doit naviguer à vue: quand le baril de pétrole pass,e de 140 à 40 dollars en quelques mois, pas facile de planifier ses coûts. Les libéraux ne croient qu'à une seule chose: le marché, qui régulera tout ça, et ils rappellent que si les CEO faisaient autre chose de leur journée que gérer l'incertitude, ça se saurait. Les chantres de la régulation répondent qu'il n'est pas normal qu'un spéculateur puisse acheter 15% de la production mondiale de cacao d'un coup d'un seul. Etc. En 2011, le débat continue... Sonia Arnal
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