[Les étoiles devraient nous rappeler que ce vaisseau spatial n'a pas de sortie de secours.]
back previous   ecostory 6/2013   next F     home
Corina Casanova a visité Schwarzenegger en First Class
LeMatinDimanche du 15.12.2013 critique les dépenses de notre chancelière de la Confédération suisse. Nous pensons que les charges de travail énormes justifient bel et bien un petit peu de luxe et un voyage de plaisir. Les contribuables suisses sont assez riches pour supporter ces frais. Quarante mille francs pour cinq jours de vacances - ça ne représente qu'un demi centime par habitant suisse. Il y a des choses plus importantes. Finalement, il est important de parler avec Arnold Schwarzenegger. Dans la vie, il faut profiter des occasions!



Transcript de LeMatinDimanche du 15 décembre 2013, page 17:

La chancelière fédérale s'offre des voyages First Class

DÉPENSE
Du 3 au 8 octobre 2010, la chancelière de la Confédération Corina Casanova s'est rendue en Californie. Coût pour le contribuable: 40 000 francs.
Titus Plattner titus.plattnerlematindimanche.ch

Un voyage de cinq jours en Californie de la chancelière de la Confédération Corina Casanova a coûté près de 40 000 francs. Au menu entre le 3 et le 8 octobre 2010: vol aller-retour en First Class, limousine avec chauffeur privé et hôtel de luxe. Le programme officiel, placé sous le signe de la “démocratie directe et du fédéralisme”, était quant à lui pas vraiment surchargé: avec seulement un discours de 32 minutes dans un club politique, une rencontre avec des parlementai¬res californiens et une poignée de main au gouverneur de l'époque, Arnold Schwarzenegger. C'est le genre de trouvailles que l'on peut faire dans la base de données de la Centrale de voyages de la Confédération, que nous avons obtenue grâce à la loi sur la transparence, après une année de négociations. 58 000 voyages de tous les employés fédéraux entre janvier 2010 et décembre 2012 y sont enregistrés. Les dates de départ et de retour, les destinations, les prix et les numéros d'employés y sont consignés. Dans une semaine, “Le Matin Dimanche” rendra ces données accessibles à tous via une carte interactive sur internet.

Globalement, les dépenses des agents fédéraux sont sous contrôle, contrairement à ce qui peut se passer dans d'autres pays. Mais les frais de voyage de certains agents de l'Etat sortent tout de même du lot. Et il est étonnant de constater que l'un des cas les plus spectaculaires est justement celui de la chancelière, qui devrait plutôt avoir un comportement exemplaire à l'adresse de l'administration.

“A l'intérieur même de la Chancellerie fédérale, le comportement de la cheffe a d'ailleurs suscité une forte incompréhension”, assure l'un de nos contacts.

“Un agenda très chargé”

A lui seul, le billet d'avion aller-retour de la chancelière pour San Francisco a coûté 17152 francs et 50 centimes. Il faut y ajouter la même somme pour le ticket de son collaborateur personnel Herbert Hürlimann, qui a également profité de la First. En principe, seuls les voyages en Business Class sont tolérés. Mais Corina Casanova a elle-même approuvé cette dépense supplémentaire de plus de 10 000 francs par personne. La porte-parole de la Chancellerie fédérale Ursula Eggenberger souligne que Mme Casanova est une “magistrate” au même titre que les conseillers fédéraux. Il est effectivement d'usage que ces derniers voyagent en First. “En raison de leurs agendas très chargés, poursuit la porte-parole, leurs temps de voyages sont utilisés pour travailler lorsque, comme dans le cas indiqué, on ne peut pas faire autrement.”

On peut éventuellement comprendre que la “magistrate” Corina Casanova voyage en First Class. Il faut cependant savoir que ce privilège est refusé aux présidents du Conseil national ou du Conseil des Etats, qui, dans l'ordre du protocole, occupent un rang plus élevé que la chancelière. “Je n'ai jamais voyagé en First, même pour aller en Asie”, confirme le président du Conseil des Etats Filippo Lombardi, récemment critiqué parce qu'il a fait sauter le budget “relations internationales” du Parlement en effectuant 13 voyages dans 22 pays.

Il faut savoir aussi que les chefs d'office ne voyagent pas en First quand ils sont seuls. Mais uniquement s'il s'agit d'accompagner un conseiller fédéral. Et encore: dans notre base de données, nous avons par exemple pu vérifier que l'ancien chef du Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales Michael Ambühl ne s'est jamais offert un tel luxe, même les fois où il s'est rendu à Washington avec la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, en avril et en octobre 2010.

Trois quarts d'heure avec Arnold Schwarzenegger

La dépense de la chancelière et de son collaborateur est d'autant plus difficile à défendre que les billets ont été réservés deux mois avant leur départ pour San Francisco, ce qui laissait largement le temps de dégager une plage horaire un peu moins onéreuse pour préparer les entrevue à venir. En plus, la First de la compagnie Swiss - l'une des cinq plus luxueuses au monde - permet d'installer une vraie table avec une banquette en face du passager, afin justement de faire passer un collaborateur d'une classe inférieure à l'avant de l'avion pour une séance de travail ou pour le dîner. La nuit venue, la table peut bien sûr se démonter, pour que le passager First puisse profiter d'un sommeil réparateur, sur une vraie couchette, complètement à l'horizontale, dans un pyjama de marque offert par la compagnie.

Arrivée le dimanche 3 octobre à San Francisco dans l'un des meilleurs quatre-étoiles de la ville, la chancelière n'a commencé la partie officielle que le lendemain, avec une rencontre de parlementaires à Sacramento, capitale politique de l'Etat, puis retour à San Francisco pour la nuit. Mardi 5, elle revient à Sacramento, pour une entrevue de 45 minutes avec le gouverneur Arnold Schwarzenegger, à quelques jours de la fin de son mandat. “Il s'agissait d'un long échange sur les instruments permettant de garantir les droits populaires dans une démocratie directe”' précise la porte-parole de la Chancellerie fédérale, avant de souligner que la qualité des discussions n'est pas dépendante de leur durée. Quoi qu'il en soit, cette entrevue était, semble-t-il, de moindre importance puisque ni la Chancellerie fédérale' ni les services du gouverneur de Californie n'ont jugé utile d'en faire état dans leur communication officielle. Et que ce soit d'un côté ou de l'autre de l'Atlantique, nous n'avons pas trouvé la moindre trace de cette visite dans les journaux.

De cette escapade aux Etats-Unis, on ne retrouve en fait que la mention d'un discours tenu par la chancelière le mercredi 6 octobre, devant le Commonwealth Club, un club de discussion politique réputé loin à la ronde. L'enregistrement audio de l'événement est même disponible en ligne. Corina Casanova s'y est exprimée durant exactement 32 minutes, sur la flexibilité et la stabilité comparées des structures constitutionnelles étasuniennes et suisses. Le jeudi 7, dans l'après-midi, la chancelière quittait la Californie pour la Suisse.

Durant ses cinq jours passés entre San Francisco et Sacramento, la chancelière a été prise en charge par une limousine avec chauffeur privé. Coût: un peu moins de 3500 francs, auquel il faut encore ajouter deux chambres pour quatre nuits à l'hôtel The Westin San Francisco (environ 2000 francs). Total pour le contribuable: presque 40 000 francs.

Rebelote à Montréal

Six mois plus tard, entre le 7 et le 12 avril 2011, la chancelière s'est rendue à Montréal et Ottawa, toujours en. First Class, pour 14 452 francs. Elle était accompagnée du même collaborateur. “Mais durant ce vol-ci, explique sa porte-parole, il n'y a pas eu de travaux préparatoires nécessitant deux places côte à côte. Son collaborateur personnel a donc voyagé en classe inférieure.” Quant aux deux vols pour Riga et Munich en août et septembre 2011, pas de voyage en First Class, la compagnie Swiss n'en proposant pas à l'intérieur du continent européen.

Annemarie Huber-Hotz, qui fut chancelière de la Confédération de 2000 à 2007, n'a jamais voyagé en First Class à la charge du contribuable. Et pour un discours qu'elle a tenu le 21 avril 2006 au Bhoutan en tant que chancelière, elle a payé le billet d'avion elle-même. En classe économique.

“UN TEL LUXE N'EST PAS JUSTIFIABLE”

HAUTE SURVEILLANCE

L'UDC zurichois Alfred Heer, qui préside la sous-commission du National chargée de la surveillance de la Chancellerie fédérale, veut examiner ce qui s'est passé.

Que pensez-vous de ces voyages de la chancelière de la Confédération?

Je n'ai rien contre les voyages à l'étranger et je ne veux pas condamner Mme Casanova sans l'avoir entendue. Mais ce cas soulève un certain nombre de questions. Et je pense que notre sous-commission devra examiner ces déplacements à l'étranger en détail.

Qu'allez-vous demander?

Ce qui est déterminant, c'est la question de fond, sur la mission politique de ce genre de voyages. Celle qui dirige la Chancellerie doit-elle vraiment aller à l'étranger deux ou trois fois par année? Qu'est-ce que ça apporte à la Suisse? Qui autorise ces voyages et qui en contrôle les coûts?

L'usage de la First Class serait pour vous secondaire...

J'ignore si, formellement, la chancelière a le droit de voler en First Class. Que les conseillers fédéraux aillent en First me semble normal. Mais la Business Class serait à mon avis déjà appropriée pour la chancelière, puisqu'elle suffit pour les chefs d'office, les secrétaires d'Etat et les présidents du National ou du Conseil des Etats. On peut aussi y dormir de façon tout à fait convenable.

Et que dire du prix de ce fameux voyage à San Francisco?

Avec des billets d'avion aussi chers en First se pose la question du rapport coût-bénéfice. Et de mon point de vue, 10 000 francs de surcoût par personne pour une rencontre de se¬conde priorité à San Francisco, c'est un luxe qui n'est pas justifiable.

T.P.
Startseite | home | ecostory | Motivation | Energie | Scenarios | feedback   F  
ecoglobe Startseite... for realistic answers
3d17