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Pourquoi la situation est grave - De En Fr
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L'article ci-dessous
va beaucoup plus profond
que les inondations à cause
du changement climatique.

L'auteur, M. Guillaume Duval, parle de la survie de l'humanité!

Il a raison. Mais pas seulement à cause du changment climatique. C'est la déplétion totale des resources naturelles qui mettra la fin à l'être humaine.

D'abord, il ne faut pas croire que les intemperies ne frapperont que les pays lointains et que nous pourrions maîtriser les problèmes ici. Une inondation isolée - peut-être. Mais si ces événements se répètent nous ne pourrons plus réparer les dégats et recolter le blé des champs détruits.

Puis, et beaucoup plus important, le changement climatique est aggravé par la croissance économique et la croissance de la population mondiale.
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ecoglobe réalité
0821
Transcription de l'article:

pourquoi la situation est grave

Catastrophes, disparition d'espèces, hausse du niveau des mers, pénurie d'eau douce..., le réchauffement climatique menace l'humanité.

Pourquoi peut-on légitimement craindre le pire? Parce que les éléments disponibles, validés par la communauté scientifique, indiquent que le changement climatique met en jeu la survie même de l'humanité. Par quel biais? Pendant plusieurs dizaines de milliers d'années, les humains ont utilisé différentes formes d'énergies renouvelables pour développer leur production: bois et charbons de bois, traction animale, moulins à eau et à vent, bateaux à voile... Cela n'allait déjà pas sans problèmes écologiques majeurs: la déforestation, en particulier, a eu raison de nombreuses civilisations. Cependant, depuis un peu plus de deux siècles, nous avons appris à extraire les restes décomposés de produits organiques qui se sont retrouvés bloqués dans les replis de la croûte terrestre à l'occasion des mouvements considérables qu'ont connus les plaques qui la constituent. Ces restes s'y sont progressivement transformés en charbon, en pétrole ou en gaz. Ces produits et leurs dérivés se sont substitués aux énergies utilisées antérieurement, prenant même la place des matériaux traditionnels dans d'autres applications: objets en plastique; produits de lavage, médicaments, peintures, engrais, etc., d'origine pétrochimique ; vêtements en fibres synthétiques...

Cette maîtrise a accompagné, et dans une grande mesure permis, une augmentation fantastique de la quantité des richesses produites par l'homme: Angus Maddison, spécialiste d'histoire économique quantitative, estime ainsi que le produit intérieur brut (PIE) mondial serait passé de 370 milliards de dollars en 1700 à 33 700 milliards en 1998 (en dollars constants de 1990), soit une multiplication par quasiment cent en l'espace de trois cents ans. Alors que cette production avait seulement été multipliée par trois pendant les dix-sept siècles précédents... Cette explosion a elle-même accompagné (et là aussi permis, grâce à l'amélioration des conditions de vie) celle, parallèle, de la population humaine: le monde comptait à peu près 600 millions d'êtres humains en 1700, nous sommes plus de 6 milliards actuellement, plus de dix fois plus. Alors que la population mondiale n'était passée que de 230 à 600 millions entre le début de notre ère et 1700...

Une atmosphère terrestre transformée

Mais problème: le fait de " décoffrer " les dérivés carbonés bloqués dans les entrailles de la Terre a modifié en profondeur, et en un temps record à l'échelle de l'histoire, la composition de l'atmosphère terrestre. La concentration de COz dans l'air était de l'ordre de 280 parties par million (*) en 1800, au démarrage de l'ère industrielle ; elle est actuellement de 380 ppm. Soit une hausse de plus d'un tiers, alors que cette proportion avait varié de moins de 10 % au cours des dix mille ans précédents. La proportion de méthane a quant à elle plus que doublé, ce qui est également le cas pour d'autres gaz liés au développement des activités humaines. CO2 et méthane n'ont jamais été si fortement concentrés dans l'atmosphère terrestre au cours des 650 000 dernières années, selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec).

Or ce changement de composition de l'atmosphère est fortement soupçonné d'intensifier ce qu'on appelle 1'" effet de serre ". Les rayons du soleil qui arrivent sur le sol terrestre sont en partie absorbés par celui-ci et en partie réfléchis, comme par un miroir. Du fait de la présence croissante de CO2 de méthane et d'autres gaz liés aux activités humaines, ces rayons, au lieu de repartir vers l'espace, sont de nouveau réfléchis par les hautes couches de l'atmosphère, comme sur la vitre d'une serre, et renvoyés vers le sol. D'où un réchauffement du climat - de l'ordre de 1 degré observé depuis 1800 - et une montée des mers, à la fois du fait de la dilatation de l'eau liée au réchauffement et de la fonte des calottes glaciaires : une hausse de l'ordre de 20 centimètres a été notée depuis 1870. Et ces tendances s'accélèrent sur les dernières décennies. Le tout accompagné d'une multiplication des événements climatiques extrêmes: tempêtes, tornades, typhons, inondations...

Et ce n'est qu'un début. Le phénomène est en effet cumulatif: le CO2 relâché dans l'atmosphère y demeure plusieurs dizaines d'années (de cinquante à deux cents ans). C'est d'ailleurs une des raisons principales pour lesquelles les pays émergents considèrent (à juste titre) que les pays industrialisés doivent consentir l'essentiel de l'effort pour résoudre le problème, puisque leurs activités passées en sont largement responsables (1). Du coup, même si nous étions capables de stabiliser immédiatement nos émissions - ce qui est loin d'être le cas pour l'instant -, le réchauffement climatique continuerait. C'est pourquoi il faudrait, selon les scientifiques, non seulement les stabiliser mais les diminuer de 50 % à l'échelle mondiale d'ici à 2050. Et cela simplement pour éviter que la hausse des températures n'excède deux degrés.

Problème: ce challenge en lui-même considérable doit être réussi alors que la population mondiale devrait, sauf guerres ou épidémies catastrophiques malheureusement pas totalement improbables, augmenter encore pratiquement de 35 %, passant de 6,8 milliards en 2009 à 9,2 en 2050, selon les dernières projections des Nations unies. Certes, la plupart des pays du Sud sont engagés dans ce que l'on appelle la " transition démographique ", c'est-à-dire une rapide décélération du nombre moyen d'enfants qu'engendre chaque femme. Ce phénomène est même plus accentué que ne l'avaient prévu jusque-là beaucoup d'experts. Mais les évolutions démographiques n'en restent pas moins caractérisées par une forte inertie. Il faudra donc, en 2050, nourrir, chauffer et transporter ces 2,4 milliards d'êtres humains supplémentaires. Et cela alors qu'ils revendiqueront, ce qui sera légitime, un accès à des biens et à des services dont nombre d'humains restent pour l'instant encore largement exclus, compte tenu des inégalités fantastiques qui prévalent pour l'instant dans le monde. Autrement dit, si nous ne modifions pas en profondeur nos modes de vie, il faudra être capable de mettre à la disposition des 9,2 milliards d'habitants prévus pour 2050 pas loin de deux fois plus d'énergie et de nourriture que ce que nous produisons aujourd'hui... Ce qui semble de toute façon exclu.

Une question de survie

Quelles seraient les conséquences du changement climatique si nous ne parvenons pas à le limiter? A priori catastrophiques. Le nombre des événements climatiques majeurs (ceux qui font plus de 500 morts) a déjà plus que doublé depuis les années 1980, selon le réassureur Münich Ré, passant de dix par an en moyenne dans les années 1980 à plus de vingt dans les années 2000... Une tendance inquiétante qui devrait s'accentuer encore, si bien que les assureurs, de plus en plus sollicités par leurs clients, sont un des rares lobbies d'entreprises vraiment actifs en faveur de la lutte contre le changement climatique. Dans de nombreuses régions de basses latitudes, et notamment la nôtre, les pluies devraient devenir sensiblement moins fréquentes, entraînant des difficultés croissantes pour les activités agricoles. Ainsi qu'une pénurie d'eau douce, alors que la situation est déjà tendue dans de nombreuses régions.

Sur le plan de la production alimentaire, le bilan global devrait cependant être légèrement positif, selon le Giec, tant que le réchauffement ne dépasse pas trois degrés; il permettra en effet des activités agricoles à des latitudes plus élevées qu'aujourd'hui. Mais la vitesse sans équivalent dans l'histoire de la montée des températures risque en revanche de menacer la survie de nombreuses espèces vivantes qui n'auront pas le temps de s'adapter ou de migrer. La hausse de la teneur en CO2 de l'atmosphère provoque aussi une acidification croissante des mers (dans lesquelles le CO2 se dissout), avec des conséquences inconnues actuellement, mais qu'on suppose très négatives.

Enfin, la montée des eaux menacera de nombreux espaces habités, les îles basses coralliennes du Pacifique comme les Tuvalu, mais aussi le Bangladesh et ses 150 millions d'habitants, sans oublier les Pays-Bas et une bonne partie du Royaume-Uni... Entraînant du coup l'explosion du nombre des migrants climatiques.

Dans un tel contexte, marqué parallèlement par la raréfaction des ressources pétrolières et gazières, les conflits politiques ne vont pas manquer de s'aggraver, et les guerres, civiles et/ou internationales, se développer. De plus, si nous ne parvenons pas à limiter à deux degrès le réchauffement climatique, personne ne sait si les processus fondamentaux qui ont assuré depuis des millénaires l'équilibre de l'atmosphère terrestre ne se mettront pas àdiverger définitivement. Le phénomène tend en effet à s'auto renforcer, rappelle le Giec : " Le réchauffement nuit à la fixation du CO2 atmosphérique dans les terres et les océans, augmentant ainsi la partie des émissions anthropiques qui reste dans l'atmosphère. " Bref, les informations dont nous disposons montrent que les activités humaines, telles que nous les menons aujourd'hui, constituent bien à terme une menace pour la survie de notre espèce.. G. D.

Encadrés de la page 10:

La menace du charbon

On ne peut même pas compter sur l'épuisement des énergies fossiles pour résoudre la question du changement climatique à notre place.

Le pic de Hubbert du pétrole, c'est-à-dire le moment où la production va commencer inexorablement à décliner, est très proche. Celui du gaz le suivra de peu. Mais le charbon, le combustible fossile le plus émetteur de CO2, reste, lui, encore largement disponible. Et on sait même depuis longtemps le transformer au besoin en pétrole ou en gaz: les Allemands le faisaient durant la Seconde Guerre mondiale.

La teneur en CO2 de l'atmosphère a augmenté i d'un tiers depuis l'ère préindustrielle, mais nous avons encore sous nos pieds de quoi à doubler si nous exploitons jusqu'au bout les combustibles fossiles...

Le rôle central du Ciec

Pendant longtemps, le lien entre activités humaines et réchauffement climatique a été nié et farouchement combattu. Notamment par George W. Bush et les néoconservateurs américains, ou encore par des firmes comme la multinationale pétrolière Exxon.

Aujourd'hui, en dehors de quelques irréductibles, ce lien fait l'objet d'un consensus très large. C'est notamment le résultat des travaux considérables réalisés depuis 1988 par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec).

Le Giec regroupe des milliers de scientifiques de toutes les disciplines provenant de 194 pays, qui s'efforcent d'établir entre eux des consensus sur les différents sujets liés au changement climatique. Il produit à intervalles réguliers des rapports (quatre depuis 1990) qui font le point sur l'état des connaissances.

L'importance de son rôle dans le processus très difficile visant à construire des accords mondiaux contre le changement climatique lui a valu le prix Nobel de la Paix en 2007. III

Pour en savoir plus: www.ipcc.ch

 

 

Légende sous les graphiques de la page 9:

(1) Nos émissions actuelles restent également plus importantes que celies des habitants des pays du Sud: en

2008, un Américain émet toujours trois fois plus de CO, qU'un Chinois, méme si celui-ci en émet, lui, presque trois fois plus qu'en 1990...

n° 285 novembre 2009 ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES 9

 

 

8-10 ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES n° 285 novembre 2009

* Partie par million (ppm) : mesure de la concentration d'une substance dans une autre. Exemple: X grammes de CO, dans un million de grammes d'air.