«L'homme n'est qu'un grand singe égoïste»

Ex-compagnon de route du commandant Cousteau, spécialiste de la faune et de la flore, militant écologiste de la première heure, Yves Paccalet «n'y croit plus» et publie un pamphlet ravageur.

«L'humanité disparaîtra, bon débarras!» Le titre de votre nouveau livre, chez Arthaud, est plutôt choc.


Cela fait trente ans qu'on dénonce tous les périls qui guettent la planète. Et quasiment rien ne se passe! Je suis un déçu de l'humanité. Mes enfants, je les ai pourtant faits par optimisme. Pendant quinze ans, je me suis battu aux côtés du commandant Cousteau pour une prise de conscience écologique. Je voyage beaucoup, et jusque dans les zones les plus reculées j'observe avec effroi la destruction des forêts tropicales, la fonte des glaciers, j'assiste à une destruction toujours plus accélérée de notre mère Gaïa, la Terre, comme l'appelait James Lovelock. La réponse qu'on vous fait généralement quand vous évoquez ce désastre, c'est: «Oh, l'humanité trouvera bien des solutions.» Or, cette réponse est un scandale! Elle signifie tout simplement que nous léguons les problèmes que nous engendrons aux générations futures, à nos enfants, nos petits-enfants et à leur descendance… Elle signifie aussi que nous sommes convaincus qu'à un moment donné, sous la contrainte des événements, il y aura une prise de conscience générale, qu'on passera aux actes et qu'on renversera la vapeur… Erreur fatale! Rien, absolument rien ne garantit que nous réagissions à temps.

A vous lire, à vous entendre, on a le sentiment que l'être humain est la pire des espèces animales. A côté d'elle, le serpent à sonnettes, le scorpion et les vilaines bactéries font figure d'enfants de chœur…

Oui, nous sommes de grands singes égoïstes, ce que nous refusons absolument de voir. Cet égoïsme serait sans conséquence si ce grand singe n'avait pas le malheur d'être intelligent et d'utiliser cette intelligence pour satisfaire ses propensions les plus égoïstes plutôt que pour les enrayer et de les surmonter. Ce singe égoïste ne veut renoncer à rien, absolument à rien! Il se laisse dominer depuis toujours par trois pulsions primaires qui guident la plupart de ses actes: le sexe, le territoire, la hiérarchie. Sans doute, ce singe se montre-t-il apte parfois à quelques percées sympathiques: par exemple, il est le seul animal qui puisse faire preuve d'empathie, c'est-à-dire de ressentir ce qu'éprouve autrui, donc d'être attentif aux autres, et de les aimer. Mais que d'efforts lui sont nécessaires pour développer cette faculté d'altruisme, cet esprit de solidarité… Ce singe crée aussi parfois des œuvres d'art magnifiques. Il atteint au génie lorsque Mozart ou Beethoven composent opéras et symphonies. Mais, dans le même temps, il est capable du pire: la Shoah, les camps d'extermination, les génocides au Rwanda, en Bosnie… Donc oui, l'espèce humaine est la plus dangereuse d'entre toutes. C'est la seule qui soit capable de s'autodétruire et d'anéantir avec elle le reste de la planète. Connaissez-vous l'histoire de l'île de Pâques?

Pas vraiment.

Au XVe siècle, l'île de Pâques était recouverte d'une forêt foisonnante et abritait une brillante civilisation. Trois siècles plus tard, à force de folie fanatique, les habitants ont rasé la forêt et se sont entretués. Lorsqu'on découvre l'île, en 1722, c'est un endroit désolé. C'est le même sort qui attend l'ensemble de la planète si nous poursuivons dans la voie que nous avons empruntée. Qu'il s'agisse des énergies fossiles ou du nucléaire, les ressources disponibles sont condamnées à terme. Dans les cent ans qui viennent, avec notre mentalité de grands singes égoïstes, nous sommes capables de déclencher des conflits épouvantables pour le contrôle de ces dernières richesses. Et malgré tout, nous continuons à vivre dans l'idée que l'espèce humaine est éternelle. Nous sommes convaincus que l'évolution a fait de nous les habitants supérieurs de cette planète, qu'elle nous a placés tout en haut de l'échelle des créatures vivantes et que nous sommes là pour encore longtemps.

Or, pas du tout?

Non, pas du tout! Pourquoi voulez-vous que notre espèce dure plus longtemps que le milliard d'autres qui se sont déjà succédé sur Terre depuis quatre milliards d'années? Savez-vous que la durée de vie moyenne d'une espèce est de dix millions d'années? Nos ancêtres les plus proches des grands singes, depuis longtemps disparus, ont vécu il y a cinq millions d'années. Homo sapiens – c'est-à-dire nous – n'existe que depuis un peu plus de cent mille ans. Tiendrons-nous la moyenne de dix millions d'années? Tout indique au contraire qu'en raison de sa folie, de sa démesure et de ses dérives, notre espèce sera l'une des plus éphémères de l'histoire du vivant. Déjà, aucun scénario n'interdit de penser que nous puissions avoir disparu à l'aube du XXIIe siècle – que cette disparition soit due à quelque hiver nucléaire provoqué par le recours aux armes que nous produisons, ou pour toute autre raison, d'ordre climatique, environnemental, virologique.

La planète Terre va se débarrasser de nous comme un chien secoue ses puces? Mais comment Dieu, ou l'Evolution, ou la Nature ont-ils pu commettre l'erreur de créer une espèce aussi nuisible à leurs intérêts?

Vous touchez là à un mystère aussi profond que celui de l'existence du Mal pour les théologiens. Je suis de ceux qui, avec un Jacques Monod, croient que nous sommes issus du hasard et de la nécessité. A un moment donné, la Nature, l'Evolution ont mis en nous leurs meilleurs espoirs. Elles ont tenté l'expérience d'un être doué d'intelligence. Mais la Nature ne réussit pas à tous les coups – nombre de ses tentatives ont avorté. D'un certain point de vue, nous sommes quant à nous des êtres inachevés, à mi-chemin entre l'ange et le démon: composés d'un important résidu de pulsions animales en même temps que d'aspirations très belles mais que nous semblons incapables de concrétiser. La seule façon pour l'homme de s'en tirer, c'est de parvenir à son plein accomplissement. Il lui faut aller au bout de lui-même, se muer, se métamorphoser. Qu'il se libère de sa nature et de ses pulsions simiesques comme un papillon quitte sa chrysalide ou un serpent son ancienne peau. Si nous n'y parvenons pas, la Nature mettra un terme à l'expérience humaine. Elle en a vu d'autres, vous savez, et elle est d'une richesse, d'une inventivité, d'une fécondité si extraordinaire qu'elle a droit à l'erreur… Si le genre humain ne fait pas l'affaire, elle passera, sans état d'âme, à autre chose. La Nature est un perpétuel laboratoire, ce ne sont pas les champs de recherches qui lui manquent.

C'est la même logique que dans l'entreprise: l'espèce humaine est un collaborateur qui ne fait pas l'affaire, et la Nature va lui donner son congé...

Ma pire crainte, ce serait qu'on en arrive là. Parce que même si le titre provocateur de mon bouquin témoigne chez moi d'une humeur cyclothymique, il est aussi des moments où je continue de croire en l'humanité, en ses potentialités.

En termes de pourcentage, quel est le risque que nous nous autodétruisions?

C'est bien simple: si nous poursuivons dans la même voie, le risque est de 100%.

Bigre!

En revanche, si nous parvenons à changer de paradigme dans nos modèles de développement, si nous restreignons nos besoins, si nous retrouvons le sens de la mesure et de l'équilibre, si nous multiplions et diversifions les sources d'énergie, il se peut que nous parvenions à réduire ces fatidiques 100% à des proportions moindres. Mais il faudra se montrer imaginatif. Ne comptons surtout pas sur une solution unique. En matière d'énergie, montrons-nous aussi inventifs, créatifs et géniaux que Mozart dans ses symphonies. Utilisons l'énergie des vagues, celle des marées et toutes les voies possibles en sus de celles que nous connaissons déjà, comme l'éolien, la biomasse, le soleil, les biocarburants…

N'y a-t-il pas des remèdes radicaux: pendant deux générations, pas plus d'un enfant par couple?... En quelques décennies, l'humanité se retrouve avec le quart de sa population actuelle…

Attention! Toute solution qui procéderait d'une idéologie totalitaire – fasciste, communiste, voire écologique – m'est odieuse. Non, la seule manière de réduire la natalité, en particulier dans les pays pauvres où la procréation est une façon pour les gens d'assurer leurs vieux jours, c'est d'apporter l'aide au développement voulue. Plus le niveau de vie est élevé, moins on fait d'enfants. Le phénomène est d'ores et déjà sensible en Italie, au Japon et ailleurs. C'est aussi affaire d'éducation: dans tous les pays où garçons et filles sont scolarisés, le taux de natalité baisse.

Ah, il y a tout de même quelques lueurs d'espoir!

Juste des lueurs.

Reste que si l'humanité s'en sort, la planète sera peuplée de vieillards…

Et alors? On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. C'est vrai, il ne sera pas possible de vivre dans un monde où l'on fera autant de bébés que par le passé. Il est également inéluctable que nous travaillions jusqu'à un âge plus avancé. Sauf si, horribles scénarios, des catastrophes majeures – nouveaux virus, guerres, famines – devaient réduire drastiquement la population, comme cela est déjà arrivé au Moyen Age.

Supposons maintenant que notre grand singe égoïste ne sache pas prendre le bon tournant… Faut-il franchement en faire un drame?

Du point de vue de l'Evolution et de la Nature, absolument pas. S'il y a drame, ce ne sera que pour l'espèce humaine elle-même. Pour le reste… La Nature est costaude, elle a quantité d'autres cartes à jouer que la nôtre. Et elle fait ses calculs en millions voire en milliards d'années. Quelles que soient les blessures que l'espèce humaine inflige à la Terre, celle-ci s'en remettra, et vite! Par le passé, elle a subi plusieurs fois d'énormes bouleversements dus à l'activité volcanique ou à la percussion de la Terre par une très grosse météorite. Cinq fois déjà dans son histoire, surtout à la fin du Primaire (il y a 250 millions d'années) et du Secondaire (il y a 65 millions d'années), 60% à 90% des espèces ont disparu. Chaque fois, la vie s'est remise en route, de nouvelles espèces sont apparues. Cette fois-ci, le bouleversement sera peut-être imputable à l'homme. Mais quoi qu'il en soit, avant que le Soleil ne s'éteigne dans cinq milliards d'années, bien des espèces verront encore le jour et nous auront succédé.

Voilà qui est agréablement consolant.

Oui. Je suis de ceux qui, comme un Hubert Reeves, pensent que l'évolution de la vie va forcément vers la mise en place de systèmes complexes et intelligents. Pure spéculation, évidemment. Mais imaginons que l'humanité disparaisse. Peut-être verra-t-on en lieu et place apparaître de nouvelles espèces tout aussi douées, intelligentes, sensibles et peut-être animées de plus de sagesse… Que sais-je: des hommes-dauphins par exemple? Ou des hommes-pieuvres?

Propos recueillis par Jean-François Duval

Bio express Né en 1945 dans un hameau de Savoie où il vit toujours, aîné de sept enfants, père de quatre, Yves Paccalet est tout à la fois écrivain, naturaliste, philosophe, scénariste. Il rencontre le commandant Cousteau en 1972, qu'il accompagne durant quinze ans à bord de la «Calypso». Il signe avec lui une vingtaine de livres, sans oublier des bandes dessinées. Il est lui-même l'auteur de très nombreux ouvrages, portant sur la terre et les mers, la faune et la flore, aussi bien que de documentaires et reportages pour «Usuhaïa Magazine», «Géo», «Le Nouvel Observateur», «Figaro Magazine». Militant écologiste de la première heure, il a été de tous les combats: défense des baleines, dauphins, loups, ours, tigres, éléphants, rhinocéros, aussi bien que des forêts tropicales et des peuples qui y vivent. Plante favorite: le pissenlit, «parfumé et malin».

A lire: Yves Paccalet, «L'humanité disparaîtra, bon débarras!» (Arthaud, 2006).

© Migros Magazine
Reproduit par ecoglobe pour faciliter la discussion sur la durablité

Nous sommes de l'avis que ce livre ne vaut pas la peine d'être lu. C'est trop misantrope et choquant, il paraît, quand on lis les extraits sur la site de ecolopop.
Déjà le titre démontre la "philosophie" misantrope de l'auteur. M. Paccalet prononce aussi quelquelques opinions pseudo-scientifiques. La seule chose où il a raison est que l'humanité en route vers son autodestruction et que nous avons un optimisme illusoir et fatal dans des solutions futures et la technologie.
Il se trompe sur les points suivants :
  • L'être humaine n'est pas un singe. L'homme avec notre potentiel existe depuis au-moins 100.000 ans (cent mille ans). Nous nous diff&eacut;rencient de chaque autre animal par notre capacité "intelligente". Sauf que c'est justement notre intelligence est minupulé et souvent mise hors service par la superstition et l'obéissance aux autorités et idéologies, comme par exemple la discipline des économistes et les réligions..
  • L'être humaine n'est pas en premier lieu égoïste. Bien sûr, il y a de ces tendences. Mais l'homme et la femme sont en premier lieu des êtres sociales. Nous vivons nécessairement dans des petits groupes, la famille et le clan. En tant de groupe on se defend contre les autres groupes ou on cherche à étendre son territoire par colonisation et guerre.
  • Il y a beaucoup d'especes animales qui montrent l'empathie. Nous n'avons pas besoin de cette théorie de l'altruisme pour sauver notre environnement pour nous. Il faut justement être intelligemment égoïste, c'est à dire, défendre nos biens et notre environnement contre les attaques de certaines élites qui ne connaissent pas de limites. Un égoïste sain veut dire que nous pensent à notre bien-être et celui de nos enfants et petits-enfants. C'est bien ça, ce que toute être vivant, y compris l'être humaine, fait normalement. C'est la nature de chaque être, vouloir vivre et survivre et continuer son espece par sa descendance.

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