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Décroissance et développement durable: les faux amis
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C'est quoi, la "décroissance"?

Dans sa définition, Jacques Grinevald d'abord réduit la question sur l'énergie. Ensuite il précise correctement qu'il s'agit de toutes les ressources, dont nous disposons de la terre, de toutes les ressources naturelles. Beat Bürgenmeier répond avec l'étiquette "détermiste" et il réagit sur l'aspect social de la distribution des ressources.

Voilà une source de beaucoup de malentendu: le mélange des aspirations sociales avec les constats environnementaux matériels. Cependent, pour la nature, il est absolument égal si la terre est surexploitée par un milliard d'êtres humains riches et 6 milliards de pauvres, ou bien par 7 milliards de personnes qui ont toutes le même niveau de vie.

L'image répendu des "trois piliers", qui prétend un équilibre entre la nature, la société et l'économie, est trompeur.

En réalité, l'économie est une partie de la société et les deux, indissociables. sont complètement encastrées dans et dépendant de l'environnement naturel, de la terre.


Toute équilibre écologique doit être entre l'environnement, c'est la terre et toute la nature d'un part, et la société humaine, y-compris ses activités économiques, d'autre part, comme le montre ce schéma à gauche.

L'économie est une partie de la sciété humaine et l'ensemble est logé dans l'environnement.

Un développement, digne du mot "durable", doît respecter les limites et exclut nécessairement la croissance en tant que politique sociétale. Dans un monde, qui a déjà depuis longtemps dépassé les limites de sa capacité de supporter l'homme, chaque croissance et défendue, linéaire ou exponentielle, peu importe.


La nature aura le dernier mot, dit Jacques Grinevald. Propos suivis par l'application démunie de l'étiquette "pessimiste" par Beat Bürgenmeier.

Mais l'innovation, la créativité et l'espoir le pourront pas recréer des ressources épuisées, ni remettre en vie des especes disparues. Erreur cardinale est de se fier à des événements futurs pour ne pas devoir prendre des mesures concrets aujourd'hui, c'est à dire, arrêter la croissance et commencer à restructurer et contracter nos activités économiques.

Le ralentissenment et la localisation de nos activités, l'augmentation des durées de service de nos produits, le bannissemment des activités gaspilleurs et une nouvelle frugalitésont indispensables si nous voulons revenir dans les limites de durabilité.

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Analyse du débat: Helmut Lubbers, août 2009.
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Décroissance et développement durable: les faux amis

Jacques Grinevald, philosophe et historien* et Beat Bürgenmeier, économiste**, portent tous deux un même espoir pour l'humanité: un environnement viable pour une société moins inégalitaire. S'ils s'accordent sur la fin, ils ne s'entendent pas sur les moyens.
Comment définissez-vous la décroissance?

Jacques Grinevald:
La décroissance, c'est l'épuisement des ressources énergétiques, c'est-à-dire la décroissance des moyens matériels des êtres humains. Depuis deux siècles, la croissance économique a augmenté de façon phénoménale et inédite, ce qui a produit un coup social énorme et une cassure irrémédiable de l'humanité: nations riches et industrialisées d'un côté, nations pauvres de l'autre. Cette croissance a nécessité l'extraction de ressources fossiles sans précédent. Nous sommes aujourd'hui à la veille du pic pétrolier. L'humanité va se retrouver dans une situation ou la demande, qui ne cesse d'augmenter, sera très supérieure à l'offre. Cette croissance "surexponentielle" ne peut durer, ni s'étendre. Or rien ne semble s'arranger. L'arrivée dans le monde industriel de grands pays comme la Chine et le Brésil va encore accélérer la déplétion, c'est-à-dire la décroissance des ressources fossiles.

Beat Bürgenmeier:
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce constat déterministe. L'avenir reste incertain, je ne peux pas dire ce qui va se passer dans le futur. Les luttes sociales existent depuis le XIXe siècle parce que le mode de vie augmenté a toujours posé des problèmes de répartition et d'inégalités. La croissance, c'est d'abord l'expression de l'allègement de peines matérielles qui pèsent sur toute la condition humaine.

Il ne faut pas oublier que, dans l'économie agricole, des périodes de croissance puis de récession se sont succédées dans le passé. La régulation se faisait naturellement, par un phénomène de stagnation dû notamment à la mortalité infantile. On avait un rapport direct avec la nature qui s'est peu à peu estompé avec l'industrialisation.

La décroissance n'est donc pas une fatalité?

JG
: Dans l'esprit de Georgescu-Roegen, père de la décroissance, c' en était une. Ce mathématicien d'origine roumaine, professeur d'économie mathématique aux Etats-Unis, a signé un ouvrage majeur, Demain la décroissance, que j'ai traduit en fiançais en 1979. Il était néo-malthusien, et pensait que la nature aurait le dernier mot.

BB:
C'est une vision très pessimiste! Elle ne tient pas compte des capacités d'innovation de l'être humain. Aujourd'hui, nous ne savons pas quelle alternative permettra de sortir du pétrole,

"Nécessité" pour Jacques Grinevald (à g.), la décroissance est une vision fataliste et peu constructive pour Beat Bürgenmeier.



mais au XIXe siècle, sortir de l'ère du charbon semblait tout aussi impossible. Il y a un investissement considérable dans la recherche de solutions alternatives. Ces alternatives existent! Elles échouent actuellement pour des questions de coûts économiques, mais on ne peut pas dire que le pic pétrolier nous condamne forcément à la décroissance. Le déterminisme et le fatalisme d'une partie des décroissants fait d'eux des alliés objectifs de ceux qui ne veulent surtout pas mettre en place des politiques environnementales actives.



La décroissance semble être à la fois un constat et une idéologie: face au constat de l'épuisement des ressources, on prône un mode de vie décroissant.

BB:
" Prôner" est le mot juste: la décroissance une croyance. Dans le domaine de la foi, on a besoin d'un dogme, décrété par un gourou, en l'occurrence Georgescu-Roegen. Une fois que ce dogme est décrété, les adeptes vont tout faire pour que la réalité coïncide avec le dogme...

JG:
Prôner la décroissance, c'est tout simplement l'anticiper. Georgescu-Roegen n'était pas un gourou isolé, il avait une autorité scientifique derrière lui: Marion King Hubbert. Hubbert était l'un des plus grands géophysiciens pétroliers américains qui a prédit la déplétion du pétrole des Etats-Unis. Il avait vu juste. Dans les années 90, des disciples de Hubbert sont sortis de leur réserve pour annoncer un véritable tsunami énergétique dans les décennies à venir. Car nous sommes une civilisation totalement basée sur le pétrole. L'aviation, les armées: tout dépend du pétrole. C'est non seulement une source d'énergie capitale mais aussi une matière première indispensable à toute une industrie de produits de grande consommation.

Beat Bürgenmeier, vous ne croyez pas à la décroissance, mais à un développement durable. Quelle est la différence?

BB
: Le développement durable est une vision bien plus conciliante, venue sur le tapis des négociations internationales en 1972 à Stockholm. Le rapport issu de cette conférence a fait entrer la notion de développement durable dans la pensée collective. Ce concept exprime l'espoir qu'il est possible de concilier l'économie avec l'environnement. Mais pour que cet espoir se réalise, il faut tenir compte d'une troisième dimension, primordiale, la dimension sociale. Il ne peut y avoir de politique de protection de l'environnement efficace sans réduction de la pauvreté dans le monde.



Jacques Grinevald, le développement durable est un concept global. La décroissance n'estelle pas, en revanche, circonscrite aux pays du Nord?

JG
: C'est exact. Ce sont les pays industrialisés qui seront forcés de décroître.



Par quel moyen? Le mouvement de la décroissance ne veut pas d'intrusion de l'Etat. Comment un choix de vie individuel peut-il avoir un impact à l'échelle de la planète?

JG
: C'est vrai que le mouvement ne souhaite pas que l'Etat régule la décroissance: une de ses racines est l'anarchisme. La doctrine de la non-violence, dont se réclament beaucoup des décroissants, est très critique vis-à-vis de l'Etat-Nation, qui s'est souvent comporté comme une machine de guerre. La décroissance s'adresse essentiellement aux privilégiés des pays industrialisés qui sont actuellement une société de consommation débridée où avoir un énorme 4x4 est le comble de la réussite. .

BB
: Il faut quand même reconnaître que ce mouvement est influencé par le déterminisme marxiste. C'est, certes, une approche individualiste un peu baba-cool et anarchiste, mais c'est aussi une critique du capitalisme. Je trouve préjudiciable de mélanger les enjeux du développement durable avec une lutte idéologique de type gauche-droite. Nous somme dans une situation que nous devons résoudre quelle que soit la couleur politique. Cataloguer les verts et le développement durable à gauche, cela n'aide pas à faire avancer l'affaire, car nous sommes tous concernés. Bien sûr, les solutions peuvent être pensées différemment selon le bord politique, mais l'enjeu est le même pour tous.



L'initiative anti-grosses cylindrées, déposée par les jeunes verts, est un exemple de politique environnementale active. Est-ce dans cette direction qu'il faut aller?

BB
: Non! L'initiative des jeunes verts est une mesure politique purement réactive et il n'y a aucune stratégie à moyen ou long terme. Le grand défi à l'heure actuelle est de faire comprendre au monde politique que l'Etat doit intervenir de manière préventive, en préservant la liberté individuelle. Mais pour le moment, il n'y a pas de consensus politique. Pour réduire l'impact environnemental des 4x4, une mesure efficace pourrait être d'augmenter considérablement les prix de ces véhicules.

JG
: Comme les riches sont de plus en plus riches, cela ne changerait rien du tout! L'intérêt de cette initiative, c'est qu'elle est menée par des jeunes, soucieux de leur avenir. Là où nos jeunes verts sont un peu naïfs, c'est qu'ils pensent que la responsabilité incombe uniquement au consommateur. Mais ils ont le mérite de lancer un vrai débat de société. Malheureusement, ils ne vont pas assez en amont de la question, soit pourquoi on n'incite pas les firmes automobiles à fabriquer autre chose que des voitures toujours plus rapides, plus grandes, plus gourmandes. Il y a, à mon sens, une véritable incohérence de l'Etat qui permet l'homologation de bolides pouvant rouler à 300 km/h.



Propos recueillis par Aline Bachofner

* Professeur à l'Institut de hautes études internationales et du développement, auteur de La Biosphère de l'Anthropocène. Pétrole et Climat, la double menace. Repères transdisciplinaires 1824-2007, Editions Médecine & Hygiène, 2007.

** Professeur d'économie politique à l'Université de Genève, auteur de Economie du développement durable, Editions de Boeck, 2005

Source: La Vie Protestante, octobre 2008, p. 10-11.