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Le capitalisme, la croissance et la bicyclette nucléaire
Pierre Weiss, éditorialiste* Ne pas tomber d’une bicyclette immobilisée? Voilà un exemple d’exploit impossible, sauf pour les acrobates. Et faire marche arrière avec cette même bicyclette, propulsée ou non par de l’électricité d’origine (partiellement) nucléaire? Encore plus improbable, sauf à chevaucher un engin de cirque. C’est pourtant ce que proposent dans les faits les – rares – partisans de la décroissance économique du monde réel. Mais, plutôt que d’attaquer de front, ces adversaires du libre marché comme du libre échange préfèrent les acrobaties rhétoriques. Et de prétendre que le capitalisme peut ou même, pire, qu’il doit s’accommoder de la décroissance. Or rien n’est plus faux ni plus impossible. Le capitalisme a besoin de la croissance, et réciproquement. Un besoin tout à fait soutenable dès lors que les effets en sont gérés. Un rappel tout d’abord. La croissance, habituellement mesurée par la progression du PIB, n’est pas un but en soi. Elle ne constitue qu’un moyen grâce auquel davantage de biens et services sont proposés aux populations des Etats du vaste monde (1). Elle a été rendue possible grâce à l’extension des libertés, et notamment de la liberté d’entreprise. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les performances des pays coupés en deux par la politique (Allemagne de naguère ou Corée d’aujourd’hui). Ou encore de comptabiliser les bénéfices sociétaux de la mondialisation des échanges. Que certains remettent en cause en s’attaquant aux projets immobiliers de l’OMC. On hallucine! Autre rappel. La croissance permet aux employés des entreprises productrices de gagner leur vie, aux actionnaires de recevoir une rémunération pour leur prise de risque, aux collectivités publiques de lever des impôts. Ce ne sont pas là des détails insignifiants. Et ce moyen a de beaux jours devant lui, car nombre de besoins humains ne sont pas satisfaits, surtout dans les pays du Sud. Des besoins fondamentaux tout d’abord. Comme l’accès à des biens de première nécessité – boire, manger, se vêtir, avoir un toit. Ou la garantie des libertés fondamentales – fabriquer des vélos, des métros ou des autos permettant la libre circulation des personnes, produire des journaux physiques ou électroniques pour assurer leur information, pour ne prendre que ces exemples. Ajoutons-y les besoins que certains considèrent comme artificiels, des articles de mode vestimentaire aux produits les plus sophistiqués de l’électronique. En soulignant que ce qui est artificiel aux yeux de l’un est essentiel pour son voisin, dès lors que l’objet en cause permet une amélioration perçue de son niveau ou de sa qualité de vie. Ou qu’il participe des symboles de statut rendant possible la distinction entre moi et l’autre, une distinction qui se joue sur les critères les plus variables (2). En clair, l’homme a besoin d’une progression et veut donc que demain soit plus agréable qu’aujourd’hui. Bref, il y a une demande potentielle énorme pour l’économie tant matérielle qu’immatérielle pour répondre aux besoins objectifs d’une humanité consommatrice. Et grâce ou à cause des envies subjectives, la croissance de cette demande est illimitée. En théorie. En pratique, les ressources de la planète constituent la vraie limite. Et dès lors que les humains sont habités par la vocation de transmettre un patrimoine à leurs descendants, il s’agit pour eux de trouver les solutions responsables afin que le patrimoine collectif – la planète Terre – en fasse partie. C’est là où l’on touche au cœur de la théorie de la croissance de Robert Solow. Ce prix Nobel de 1987 montre, primo, que la quantité de capital augmente la productivité et la croissance, secundo, que les pays pauvres peuvent bénéficier d’une croissance plus forte, en vertu de la théorie des rendements décroissants, et, tertio, qu’un état stationnaire de l’économie n’est jamais atteint, car le progrès technologique permet d’aller toujours plus loin. En somme, la demande de biens est potentiellement infinie et l’offre peut lui répondre dès lors que quelques conditions de base sont satisfaites. D’abord la liberté d’entreprise qui caractérise l’économie de marché. Ensuite la liberté de collecter de manière incitative des capitaux pour lui permettre de se concrétiser – en clair, le capitalisme. Enfin la liberté d’inventer pour répondre au défi de créer des biens qui préservent à long terme les ressources tout en accroissant la qualité de vie sur cette terre. Ou comment passer, grâce au capitalisme, de la croissance durable à la croissance éternelle. Par exemple sur une bicyclette à hydrogène, en attendant la télé-transportation quantique… (1) Un ordre de grandeur permet de cadrer le débat, possible grâce aux travaux de l’économiste genevois Paul Bairoch. De l’époque des grandes découvertes, de la première mondialisation du seizième siècle, au début de la Révolution industrielle, vers 1820, la production de biens sur cette planète a passé d’une valeur estimée de 247 milliards de dollars à 695 milliards; depuis lors, elle a explosé pour atteindre 33 725 milliards de dollars en 1998. Un montant qui, malgré la crise actuelle, a encore crû. (2) Sur ce thème, on lira avec délectation le classique de Thorstein Veblen, The theory of leisure class, 1899. Source: Entreprise romande - Editorial 19.06.2009, Entreprise Romande - Numéro du 19 juin 2009... "Le capitalisme, la croissance et la bicyclette nucléaire La demande de biens est potentiellement infinie et l'offre peut lui répondre dès lors que quelques conditions de base sont satisfaites. Copyright: Greenpeace.org - "Deep Green - September 2008" ![]() |