Transcript de LeMatinDimanche du 27 novembre 2011, (Sciences) page 84 -
ÉCOLOGIQUE En distillant certains dé;chets agricoles, il est possible d'obtenir non seulement du carburant pour voitures, mais aussi des molé;cules suffisamment complexes pour fabriquer des vêtements, des emballages et même des mé;dicaments.
Geneviève Comby Genevieve.Comby@edipresse
Quand on parle d'é;nergie verte et de dé;veloppement durable, on pense é;oliennes, gé;othermie, cellules photovoltaïques. La biomasse, elle, suscite plutôt la controverse. A quoi bon en effet dé;tourner des ressources alimentaires, comme les cultures de maïs ou de canne à sucre, pour produire du carburant vert! Il est pourtant inutile de sacrifier des cultures vivrières sur l'autel de l'é;cologie, car l'agriculture possède une mine d'or largement inexploité;e: ses dé;chets!
La dé;couverte ré;cente de certains processus de transformation biochimique a mis en lumière l'incroyable potentiel des rebuts agricoles. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il est aujourd'hui possible d'obtenir de l'é;nergie, mais aussi de fabriquer des vêtements, des plastiques bio, des peintures, des produits mé;nagers et même des mé;dicaments, à partir de paille ou de son de blé;...
"Avec la raré;faction du pé;trole et du charbon, notre civilisation devra retourner à la biomasse pour ses besoins en é;nergie et en maté;riaux contenant du carbone", affirme Pierre Vogel, professeur honoraire à la Faculté; des sciences de base de l'Ecole polytechnique fé;dé;rale de Lausanne, 'qui donnera demain une confé;rence* organisé;e par la Socié;té; vaudoise des sciences naturelles dans le cadre de l'Anné;e internationale de la chimie sur cette "richesse du futur".
Avec de l'acide phosphorique
Les dé;chets organiques, lorsqu'ils fermentent, produisent du mé;thane, donc du biogaz. Ils constituent une source de chaleur et d'é;lectricité; que l'on connaît bien. Il est même possible d'utiliser ce mé;thane comme carburant; La Suède le fait, par exemple, pour ses bus et ses trains. Ce que l'on connaît moins, c'est la distillation acide de rebuts agricoles contenant de la cellulose. "La paille, par exemple, est un dé;chet très ré;pandu du fait du grand nombre de cultures cé;ré;alières, avance Pierre Vogel. Il suffit de la collecter et de la mettre dans un ré;acteur chimique avec de l'acide phosphorique, un engrais. Cette technique, qui ressemble un peu à la distillation de l'alcool, ne né;cessite qu'une infrastructure basique. Un bouilleur de cru pourrait le faire."
Le but: obtenir des furanes (des molé;cules polyfonctionelles à cinq ou six atomes de carbone) sous la forme d'un liquide. Celui-ci peut être utilisé; directement comme carburant. "Ça marche, des voitures ont dé;jà roulé; aux Pays-Bas grâce aux furanes, souligne le chimiste. De plus, contrairement à l'hydrogène,. : on peut les stocker facilement dans un simple estagnon."
Plus é;tonnant encore, ces dé;rivé;s de la 'paille obtenus par distillation peuvent servir à fabriquer tous les produits obtenus actuellement à partir du charbon ou du pé;trole, soit un nombre incroyable d'objets usuels, tels que des colorants, des adhé;sifs, des maté;riaux pour les té;lé;communications, des emballages ou des vêtements. : "Les processus de transformations chimiques né;cessaires sont complexes mais bien maîtrisé;s, affirme Pierre Vogel, lui-même un des pionniers dans ce domaine. II est ainsi tout à fait possible, à l'heure qu'il est, de synthé;tiser des produits à haute valeur ajouté;e' y compris des mé;dicaments."
De la même manière que le' pé;trole est, grâce à la synthèse de certaines molé;cules, utilisé; dans l'é;laboration de mé;dicaments, les furanes peuvent entrer dans la composition de produits pharmaceutiques. Avec une efficacité; supé;rieure, ajoute le spé;cialiste: "Le fait que leur structure molé;culaire soit relativement complexe nous permet d'obtenir plus rapidement des produits très sophistiqué;s." Et puis avec les dé;chets vé;gé;taux, rien ne se perd; puisque le solde peut être utilisé; comme engrais.
De la sidé;rurgie aux antibiotiques
Mais à entendre le chimiste, le potentiel inexploité; des rebuts ne concerne pas seulement l'agriculture. L'industrie aussi recèle des richesses que l'on jette à la poubelle. Le dioxyde de soufre produit par la sidé;rurgie en est un exemple flagrant: "Des dé;couvertes fondamentales ré;alisé;es ces dernières anné;es à l'EPFL utilisent le dioxyde de soufre dans de nouvelles ré;actions chimiques qui permettent la construction rapide de composé;s très sophistiqué;s comme des produits antibiotiques et anticancer."
Pour Pierre Vogel, ça ne fait aucun pli: "Les dé;chets constituent une excellente matière première qui peut, dès maintenant, se substituer au pé;trole et au charbon." Les industriels commencent d'ailleurs à s'inté;resser sé;rieusement à l'é;norme potentiel des furanes, à l'instar de la socié;té; Aventium, basé;e à 'Amsterdam, et, mise sur pied par un consortium de compagnies parmi lesquelles figurent les gé;ants Shell et Pfizer, qui vient de lever 30 millions d'euros pour construire une usine pilote.
* Confé;rence: Ecologie - Dé;chets agricoles, viticoles et industriels: richesse du futur, par Pierrè Vogel. Lundi 28 novembre, 18 h 30, salle C01, EPFL.
FURANES
Ce sont des composé;s chimiques obtenus après avoir distillé; des dé;chets vé;gé;taux contenant de la cellulose, comme la paille. Sous forme liquide, ils peuvent être utilisé;s directement comme biocarburants. Mais la synthèse utilisant ces furanes permet d'obtenir toutes sortes de produits: des fibres textiles, des emballages et même des mé;dicaments.
station terminus: la faim - rendement déficitaire énergétique dans l'agriculture"
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